jeudi 15 décembre 2011

Rétroviseur


Après son petit monument Rip it up and Start Again (une histoire du Post Punk de 1978 à 1984), Simon Reynolds, journaliste et historien de la musique (et plus largement de la pop culture), nous revient avec un essai fondamental posant l’une des problématiques les plus essentielles de notre génération, à savoir : comment la pop culture (principalement la musique) est devenu ce qu’elle est aujourd’hui, et pourquoi ses transformations sont obsessionnellement tournées vers son propre passé. De manière intime ou plus distancié, nous avons toutes et tous expérimenté les mutations de la pop culture : foisonnement et démultiplication de l’information, hyper-connectivité, dématérialisation, références ostensibles et illimitées au passé. Aujourd’hui, avec l’utilisation d’Internet et des réseaux de partage tels que Facebook, Youtube (et plus éloignés Napster, Soulseek etc.), notre fenêtre sur le monde s’est agrandie de manière conséquente, dans le même temps que notre capacité à être attentif à diminué. L’information nous submerge en permanence et se veut toujours plus accessible (chacun pioche ce qu’il veut et les notions de physicalité et de temporalité deviennent désuètes), cela se traduisant dans la musique par un retour sans fin aux références du passé : des années 50, aux yéyé 60’s, en passant par le punk, la disco, et le grunge. Tout est recyclé et recyclable. Le sentiment de nostalgie n’a jamais été aussi fort, donnant lieu à un nombre incalculable de revival (reformations de groupes, rééditions en masse etc.). Simon Reynolds dresse un portrait alarmant de notre paysage musical actuel : postmoderne (name droping et clins d’œil récurrents aux différentes époques et styles musicaux), frénétique (la course à la dernière tendance, suivie aussi vite qu’oubliée). Or la pop music est sensée être avant tout, la traduction d’un moment, d’une époque, d’un événement. Elle est dans l’urgence du ‘maintenant’. Or, comme le dit Reynolds, les medias, « disques et télévision, ont permis à l’ ‘instant’ de devenir permanent, sujet à une éternelle répétition. Le ‘moment’ est devenu ‘monument’ ». Il est encore temps de modifier la trajectoire.